On a beaucoup parlé en 2022 du taux d’usure et des difficultés que la hausse très mesurée de ce dernier a occasionné sur le marché de l’immobilier. Et le taux d’usure est encore un sujet majeur en ce début d’année 2023 avec la réforme validée le 11 janvier dernier. L’ensembles des acteurs du marché immobilier : courtiers, banques, mais aussi emprunteurs, ont accueilli avec soulagement la modification temporaire du calcul du taux d’usure.
Découvrez dans cet article ce qu’est le taux d’usure, comment il est fixé et par qui, quelles sont les conséquences du taux d’usure sur le marché immobilier, les retombées que l’on peut attendre de la réforme du calcul du taux d’usure 2023, les moyens qui existent de contourner le taux d’usure et les sanctions qui s’appliquent aux contrevenants.
Qu’est-ce que le taux d’usure ?
Le taux d’usure est le taux maximal qu’une banque peut proposer. Aucun établissement bancaire ne peut proposer à un emprunteur un crédit dont le TAEG (Taux Annuel Effectif Global) est supérieur à ce seuil. Pour rappel, le TAEG ou taux annuel effectif global correspond au coût total du crédit. C’est à lui que l’on se réfère pour apprécier si une offre de crédit dépasse le seuil usuraire. Il comprend :
- le taux d’intérêt de base (ou taux nominatif) ;
- les frais, commissions et rémunérations diverses (comme les frais de dossier par exemple) ;
- les primes d’assurance emprunteur lorsqu’une assurance obligatoire est souscrite simultanément.
Il n’existe pas un, mais plusieurs taux d’usure en fonction du type de prêt : crédit immobilier, crédit à la consommation, crédit aux découverts, crédits renouvelables, etc. Il s’agit donc d’un élément clé dans l’attribution des crédits des particuliers.
Nous nous intéresserons dans cet article au taux d’usure du crédit immobilier qui actuellement paralyse le marché immobilier. En effet, si le taux d’usure a vocation à protéger les emprunteurs, le taux d’usure du crédit immobilier actuel a surtout tendance à écarter du marché un public assez large, provoquant la grogne des courtiers et établissements bancaires, ce qui a conduit à une modification temporaire du calcul du taux d’usure, réforme que nous détaillerons plus loin dans cet article.
Comment est calculé le taux d’usure ?
Le taux d’usure varie selon le montant emprunté, la durée d’emprunt et bien sûr, comme nous l’avons vu précédemment, le type de prêt.
En règle générale, le calcul du taux d’usure se base sur les taux moyens effectivement accordés durant le trimestre précédent, plus une marge d’un tiers. Ce nouveau taux d’usure est ensuite appliqué pendant un trimestre.
Cette méthode de calcul pose bien évidemment problème en cas de remontée des taux forte et régulière, comme c’est le cas actuellement, puisque les taux d’intérêts des crédits immobiliers pratiqués par les banques montent de mois en mois quand le taux d’usure est revalorisé lui seulement tous les trimestres, induisant un décalage préjudiciable aux emprunteurs comme nous le verrons par la suite.
C’est pourquoi, à l’issue d’une réunion entre le ministre de l’Économie et certains représentants des courtiers français, il a été décidé le 11 janvier 2023 une réforme du taux d’usure. La Banque de France a en effet validé la modification temporaire du calcul du taux d’usure. Ainsi, l’actualisation du taux d’usure aura lieu désormais non pas tous les trimestres mais tous les mois, « afin de permettre, en cette période de remontée rapide des taux, au taux d’usure de s’adapter de façon plus rapide et plus fluide à l’évolution des taux de marché » selon le communiqué de Bercy. Cette modification de la fréquence de calcul du taux d’usure interviendra dans les mois à venir (au 1er février 2023).
Qui fixe le taux d’usure ?
C’est la Banque de France qui fixe le taux de l’usure. Il est publié au Journal officiel à la fin de chaque trimestre pour le trimestre suivant.
La Banque de France joue ainsi son rôle de régulateur. En effet, la fixation d’un taux d’usure permet à l’emprunteur de ne pas se voir proposer des taux excessifs qui pourraient le placer dans une situation financière difficile et, in fine, déstabiliser l’économie globale.
Toutefois, dans la situation actuelle, comme nous allons le voir par la suite, c’est le taux d’usure qui provoque un déséquilibre et déstabilise le marché immobilier, d’où la modification temporaire du calcul du taux d’usure, validé par la Banque de France.
Taux d’usure : qu’est-ce qui change au 1er janvier 2023 ?
Au 1er janvier 2023, début du premier trimestre de l’année 2023, de nouveaux taux d’usure ont été publiés au Journal Officiel. Les taux d’usure du 1er trimestre 2023 progressent. Notez que la mensualisation temporaire de la révision du taux d’usure devrait entrer en vigueur au 1er février 2023 et se poursuivre jusqu’au 1er juillet 2023.
Ils passent de 2,60 % à 3,03 % pour les prêts d’une durée de moins de 10 ans, de 2,60 % à 3,03 % pour les prêts d’une durée oscillant entre 10 et 20 ans, de 3,05 % à 3,57 % pour les prêts d’une durée de 20 ans et plus.
Évolution des taux d’usure en 2022 et 2023
1er trimestre 2022 | 2ème trimestre 2022 | 3ème trimestre 2022 | 4ème trimestre 2022 | 1er trimestre 2023 | |
Prêts d’une durée inférieure à 10 ans | 2,44 % | 2,51 % | 2,60 % | 3,03 % | 3,41 % |
Prêts d’une durée comprise entre 10 et 20 ans | 2,40 % | 2,43 % | 2,60 % | 3,03 % | 3,53 % |
Prêts d’une durée supérieure à 20 ans | 2,41 % | 2,40 % | 2,57 % | 3,05 % | 3,57 % |
Prêts-relais | 2,88 % | 2,87 % | 2,99 % | 3,40 % | 3,76 % |
Source : Banque de France
Pourquoi le taux d’usure peut-il être si pénalisant ?
En janvier 2022, le taux d’usure des prêts immobiliers d’une durée entre 10 et 20 ans a atteint un plus bas historique à 2,40 % ! Le taux d’usure sur 10 ans a donc subi une hausse de 0,20 % en 10 mois. Dans le même temps, les taux indicatifs des bons du trésors et OAT ont eux réalisé une hausse de 2,372 % (passant de 0,2310 % au 3 janvier à 2,6030 % au 29 septembre)
Rappelons que les banques empruntent de l’argent à un taux plus élevé avec la hausse des taux directeurs des banques centrales. Elles répercutent cette hausse sur le taux des crédits qu’elles consentent.
La récente et très importante hausse des taux, compte tenu du mode de calcul du taux d’usure en 2022, n’a donc été prise en compte que partiellement. Les taux d’usure étaient alors en grande partie décorrélés des taux proposés par les banques.
Revalorisation insuffisante du taux d’usure : un marché immobilier à deux vitesses en 2022
La situation a entraîné un effet ciseau qui a exclu du crédit une large catégorie d’emprunteurs. De fait, de plus en plus d’emprunteurs ont vu leur dossier refusé, alors qu’ils auraient emprunté sans problème en 2021. Et la situation s’est aussi dégradée car certaines banques rechignaient à prêter compte tenu de la faiblesse des marges réalisées.
En effet, les particuliers comme les banques ont été pénalisés par cette situation. Ainsi, une remontée des taux insuffisante ne permettait pas aux banques d’appliquer des taux qui leur permette de dégager une marge suffisante compte tenu de la hausse des taux de refinancement, mais également de la hausse des taux d’emprunt d’État.
Les effets délétères du décalage entre hausse du taux d’usure et hausse des taux des crédits immobiliers n’ont pas tardé à se faire ressentir dans l’octroi de crédits immobiliers, même si François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, a longtemps nié le problème. En 2022, le robinet du crédit a été fermé pour une partie de la population au moins. Les plus hauts revenus disposant d’un apport conséquent ont pu continuer à emprunter quand les autres ont dû faire une croix sur leur projet immobilier. Ainsi, on a enregistré au 4ème trimestre 2022 une baisse de -42,6 % de prêts immobiliers accordés par rapport à l’année précédente.
Cette baisse est due à deux facteurs :
- des ménages qui ne sont plus finançables car dépassant le taux d’usure ;
- des ménages qui ne sont plus finançables car dépassant le taux d’endettement maximum de 35 %.
Un marché à deux vitesses s’est mis en place : les plus aisés qui ont moins recours au crédit du fait d’un apport important et de revenus élevés ont pu concrétiser leur achat immobilier quand les plus jeunes et/ou aux revenus plus modestes ont eux été contraints d’attendre le 1er janvier 2023, en espérant que la situation commence à se débloquer.
La mensualisation de la revalorisation du taux d’usure : un nouveau souffle pour le marché immobilier en 2023 ?
L’année 2023 pourrait en effet voir le nombre de crédits immobiliers accordés augmenter avec la réforme entérinée le 11 janvier 2023 qui modifie temporairement le calcul du taux d’usure avec une actualisation qui aura désormais lieu mensuellement et non plus trimestriellement. Cette modification temporaire de la méthode de calcul du taux d’usure pourrait entrer en vigueur dès le 1er février 2023. Selon Bercy, « Cette mensualisation permettra de maintenir l’objectif de protection des emprunteurs qu’a le taux d’usure, tout en évitant une situation où le taux d’usure deviendrait un facteur de rationnement de l’offre de crédit ». Le taux d’usure, en s’adaptant plus rapidement, permettra d’accompagner la remontée des taux.
Cet accompagnement de l’évolution du marché devrait être bénéfique aux banques comme aux emprunteurs. Les banques pourront augmenter leurs tarifs, une nécessité pour elles puisqu’elles sont amenées à payer plus cher pour se refinancer auprès de la BCE, qui répond à l’envolée inflationniste en relevant ses taux d’intérêt directeur. Les particuliers devraient moins voir leur dossier de prêt refusé car dépassant le taux d’usure compte tenu du relèvement mensuel désormais de ce taux.
Comment contourner le taux d’usure ?
Malgré la hausse, vous ne pouvez pas emprunter compte tenu du taux d’usure ? Il existe plusieurs moyens de contourner le taux d’usure, plus ou moins faciles et pertinentes à mettre en œuvre selon votre profil.
Prendre une délégation d’assurance
La première solution consiste à externaliser l’assurance emprunteur et à faire jouer la concurrence pour faire baisser la facture. En effet, le coût de l’assurance emprunteur représente une part non négligeable du coût de l’emprunt. La délégation d’assurance pourra vraisemblablement faire baisser votre TAEG. Attention tout de même, il ne s’agit pas d’une solution miracle qui vous amènera systématiquement à voir votre dossier accepté, loin de là ! La délégation d’assurance qui entraîne pour la banque une baisse de ses marges ne sera peut-être pas du goût de votre établissement bancaire qui pourra alors préférer ne pas vous accorder de crédit immobilier.
Jouer sur la quotité des emprunteurs pour son assurance
Il est également possible de faire baisser le coût de l’assurance en jouant sur la quotité des emprunteurs. Si vous empruntez à deux, vous pouvez choisir de ne couvrir chaque emprunteur qu’à 50 %, ce qui mécaniquement fera baisser le coût de l’assurance emprunteur. Mais attention, la protection est ainsi diminuée et vous prenez un risque. Le plus judicieux est de jouer sur les quotités si les revenus des emprunteurs présentent une forte disparité. L’emprunteur ayant le plus gros revenu pourra alors bénéficier d’une couverture importante tandis que celui présentant le plus faible revenu pourra être moins couvert.
Négocier les frais de dossier
La troisième solution consiste à faire baisser les frais de dossier. Toutefois, toutes les banques n’en facturent pas (les banques en ligne le plus souvent n’en appliquent pas) et, là encore, cela fait baisser la marge de la banque, ce qui ne sera pas forcément très bien perçu par l’établissement prêteur.
Augmenter son apport personnel
Enfin, la dernière solution, et c’est celle qui plaira le plus à votre banquier car l’effort à fournir est de votre ressort, est d’augmenter son apport personnel. Ainsi, vous réduirez la somme à emprunter et/ou la durée du prêt, ce qui bien sûr entraîne une diminution du taux d’intérêt qui vous sera proposé.
Les sanctions en cas de dépassement du taux d’usure
Tous les moyens présentés précédemment permettent de contourner le taux d’usure. En effet, il n’est pas possible de s’affranchir de cette règle et aucun établissement financier ne vous accordera un crédit dont le TAEG dépasse le taux d’usure. On parle alors de prêt usuraire. Accorder un crédit usuraire est un délit passible d’un emprisonnement de deux ans et/ou d’une peine d’amende de 300 000 €.
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